Sophie : l’héritage d’un sport
Digne légataire de l’héritage sportif de ses parents, illustres parachutistes bretons, Sophie, tout comme ses frères Mathieu et Guillaume, a arpenté les dropzones et grandi au rythme des voiles que l’on replie. L’aérodrome de Vannes reste le lieu mythique de l’histoire des Bernier ; terrain de jeu morbihannais, mais, surtout, théâtre à ciel ouvert de l’avènement d’une génération d’athlètes qui ont marqué l’histoire de notre sport et grand vivier de champions en Précision d’Atterrissage et Voltige. La localisation de l’aérodrome fait rêver les amoureux des paysages iodés. Située au cœur du golfe du Morbihan, mer intérieure d’une longueur est-ouest de 20 kilomètres environ, et parsemée de nombreuses îles et îlots, la « petite mer » de son nom breton est à couper le souffle. Les parachutistes qui goûtent à cette vue en tombent -littéralement- amoureux au cours de la chute libre. La fratrie évolue donc dans ce cadre exceptionnel. Du plus loin qu’elle se souvienne, Sophie garde en mémoire la volonté de faire perdurer la tradition para familiale : “Nous avons grandi dans les paraclubs, avec nos parents. L’envie de les imiter est née très naturellement avec mes frères, sans jamais que cela ne soit une contrainte.”
En 1997, Sophie commence le parachutisme à l’âge de 16 ans et évolue rapidement vers les disciplines phares de Vannes : la PA et la Voltige. Le système fédéral, tout autant que l’engagement du club pour la progression des participants, l’ont encouragée à participer au Championnat de France junior. Alors qu’elle n’avait que 40 sauts à son actif, elle va terminer cinquième au classement. Au pied du podium, certes, mais plus que décidée à poursuivre et à progresser ! Elle réalise par la suite plusieurs podiums dans les catégories junior et féminines sur différents championnats, se hissant à la 3ème place nationale. Avec l’envie de s’épanouir toujours plus dans sa pratique sportive, elle va rapidement s’orienter vers une nouvelle discipline du parachutisme : le freestyle. Elle intègre l’Equipe de France de freestyle en 2005. C’est la dropzone de Maubeuge (59) qui la voit sacrée vice-championne du monde en 2008.

Son installation sur l’île intense
Plus tard, elle part avec son compagnon de l’époque s’installer à la Réunion, tout en poursuivant son activité d’infirmière libérale. Après sa séparation, elle décide de rester sur l’île pour ne pas l’ancrer comme un échec. Pour Sophie, c’était une évidence et l’affirmation d’un choix de vie : « Je voulais recommencer à zéro, ne pas rester sur un sentiment négatif. Me créer un nouveau quotidien à la Réunion était un défi, mais pas que cette expérience affecte mon ressenti par rapport à l’environnement ; ni que mon dernier souvenir de la Réunion soit entaché de tristesse ! ». C’est désormais devenu pour elle un mode de vie bien plus qu’un simple lieu d’habitation. Plus qu’une nouvelle adresse, Sophie a trouvé un cocon, vecteur de confiance en soi et d’un équilibre retrouvé.


La rencontre avec Fanch et la naissance d’un projet commun
En 2015, elle rencontre Fanch, qui partage sa vie depuis. Médecin généraliste, moniteur de plongée, initiateur escalade et installé lui aussi à la Réunion, Fanch, est un véritable touche-à-tout. Il découvre le parachutisme sur le tard, à 36 ans, directement avec une PAC. « J’étais convaincu que cela me plairait. J’ai donc sauté l’étape du tandem pour commencer la formation ! » évoque-t-il avec humour. Un parcours parachutiste marqué par la rencontre de passionnés avec qui il a pu beaucoup échanger sur le sens de la pratique et sa recherche ultime d’accomplissement sportif. « Quand j’ai voulu me lancer dans le parachutisme, je pensais aller vers une pratique risquée, challengeante, plus dangereuse en tout cas que les sports dont j’avais l’habitude. Je pratiquais déjà des activités de plein air, plutôt exigeantes en termes de corps et d’environnement. Mais je voulais aller encore plus loin. Finalement, j’ai vite réalisé que la pratique était beaucoup plus encadrée que je ne l’imaginais et offrait une sécurité certaine, grâce à l’ensemble des dispositifs mis en œuvre et des nombreuses règles. J’ai 550 sauts désormais, et je prends toujours le même plaisir à sauter. Vu du ciel, chaque paysage est extraordinaire ! ». Chaque saut, est une occasion unique de découvrir le point de vue aérien et de le ressentir de tout son être.
Outfly : la première soufflerie de la Réunion
Entre-temps, Fanch et Sophie s’associent et lancent le premier simulateur de chute libre de la région. Ils optent pour un modèle Tornado, parfait pour l’île de la Réunion, car mobile et adaptatif. L’infrastructure est ouverte en 2018 et séduit les locaux sans tarder. Aujourd’hui encore, peu de touristes composent la clientèle. Pour autant, le centre fonctionne bien grâce à une majorité de sportifs et parachutistes qui viennent s’entrainer en chute libre !
Objectif Océan Indien
Marin dans l’âme par ce que les marins partagent de l’amour des étendues salées, Fanch grandit en Normandie et chérit le souvenir iodé et délicieux de vacances régulières en Bretagne, où il pratique la planche à voile notamment. Sur la fin de ses études de médecine, il part à la Réunion réaliser son internat… Un séjour court qui s’éternise quelque peu. « Cela fait 20 ans que je suis parti pour 2 ans ! » s’amuse-t-il. Fanch lui aussi a trouvé sur l’île un équilibre de vie et une connexion à la mer dont il ne pourrait se passer. C’est lors d’un séjour en métropole, sur un salon nautique à Paris, qu’il découvre, au milieu de nombreux modèles, plutôt luxueux, un bateau à rames atypique qui détonne complètement. Passé l’étonnement, il est surtout bouleversé par son histoire. Le propriétaire lui confie n’avoir jamais pu réaliser son projet Sénégal-Guyanne. En l’espace de 20 minutes, il transmet sa passion à Fanch. Il se met alors à la recherche d’un bateau similaire. Au cours de ses recherches, il découvre celui ayant appartenu à Charles Hedrich. Aventurier, alpiniste, rameur, navigateur et explorateur polaire français émérite, à 53 ans, il a déjà réalisé plusieurs exploits. Entre autres, une traversée de l’Atlantique à l’aviron, une participation hors course du Vendée Globe, Paris-Dakar en moto, et l’ascension de l’Everest. En 2012, il établit une première mondiale, en bouclant un aller-retour de l’Atlantique à la rame en solitaire. 145 jours en mer, et 11 000 kms parcourus qui marquent l’histoire. Fanch saute sur l’occasion, achète ce bateau, procède aux travaux de mise aux normes, et ne compte pas ses heures pour préparer une première aventure en mer.


Traversées
C’est dans ce contexte que Sophie arrive dans son quotidien. Une fois prêt, il part alors pour une traversée transocéanique de 12 jours, direction Madagascar, accompagné d’un ami. Sophie suit alors cette épopée depuis la terre ferme. Un premier projet qui se déroule sans encombre et qui conforte Fanch dans son envie de poursuivre d’autres traversées avec ce bateau. Et parce qu’en vivant sur une île, l’attrait d’un autre continent-île n’est que plus fort, émerge alors l’envie de rejoindre l’Australie, toujours à la rame.
Dès leur rencontre, Fanch avait partagé à Sophie son rêve de traversée australienne. Là aussi, c’est comme en para. Un saut tout seul, c’est chouette, mais, ensemble, toutes les sensations sont démultipliées. Immédiatement emballée par le projet, Sophie a souhaité prendre part à cette aventure, mais sans date définie à cet instant. Voyant les années défiler, elle a un jour lancé : « On s’est toujours dit qu’un jour on le ferait… C’est le moment ou jamais, allons-y ! »
Préparer le projet fou d’une vie
D’une nature prudente, ils se préparent minutieusement pour se donner les moyens de réussir ce défi de taille. Ils s’entourent d’un préparateur physique et s’inscrivent au Marathon des Sables. Un défi ambitieux, d’autant plus sur une année particulièrement difficile, puisque l’on compte habituellement environ 10 % d’abandon sur cette compétition. Cette année-là, ce sont 40 % des inscrits qui abandonnent !! Une raison supplémentaire de se réjouir et de se féliciter mutuellement pour Sophie et Fanch. « Nous avons terminé la course ensemble, épuisés, mais tellement heureux ! » confie Sophie. « Même si nous sommes sportifs, l’effort d’un marathon est différent de tout ce que nous connaissons. C’était pour nous un moyen de se confronter à la difficulté, à l’acceptation de la fatigue, de l’épuisement du corps et de l’esprit. Nous voulions véritablement nous pousser dans nos retranchements physiques» ajoute Fanch. Si l’un avait l’expérience d’une première traversée, l’autre n’avait jamais navigué sur une telle embarcation. Tous deux en arrivent à la conclusion que la prochaine étape de préparation devra s’effectuer en conditions réelles, avec une traversée en mer. Ils choisissent de faire cap vers Madagascar, pour éprouver cette fois-ci la conjugaison de trois facteurs : l’effort soutenu, les conditions rustiques, l’environnement hostile. Pour Fanch, cette méthode était la plus sûre : « Il n’existe pas de demi-Atlantique ! Donc tous les moyens de préparation intermédiaires sont bons à prendre. Finalement, en bateau à rames, il faut s’imaginer que l’on est plus proche de la traversée du désert que du voilier. Nous subissons davantage les éléments, les conditions sont hostiles et nous n’avons quasiment pas de confort à bord. Il fallait donc s’essayer à la traversée sur une distance plus courte, en couple, pour valider notre projet avant le départ ». Un voyage de reconnaissance en Australie a conclu cette phase préparatoire permettant d’arrêter le choix du port de départ. C’est le port de Carnarvon qui a été retenu, pour sa facilité d’accès.
Finalement, il aura fallu près d’un an et demi de préparation totale pour mettre au point l’aventure d’une vie. La date de départ est incertaine, et dépend de la météo. « C’est là aussi, l’une des grandes différences face au projet précédent de Madagascar : la période est étendue et les prévisions sont moins fiables. Sur une dizaine de jours, la météo était cohérente. Ce n’est pas le cas sur trois mois. Nous nous sommes basés sur des pilots charts pour avoir les grandes tendances, mais la zone, le climat de dérèglement climatique et la période choisie, ont forcément brouillé les pistes » explique le couple.

La Réunion-Australie : 6000 km en mer en moins de 100 jours
“Celui qui attend que tout danger soit écarté pour mettre les voiles, ne prendra jamais la mer ” disait Thomas Fuller.
26 avril 2024, il est 8 heures. Est venu le moment tant attendu de la grande traversée. Le périple commence, presque sans le réaliser. A bord, l’espace est (très) limité. On tient accroupi dans la couchette : 7 m de long sur 1,8 m de large et seulement 50 cm au-dessus du niveau de l’eau. Une embarcation sommaire, quatre rames, et l’immensité face à soi. L’organisation à bord prend forme : Fanch et Sophie alternent au poste de rame et établissent un programme journalier. Une heure d’effort chacun, pour rester en mouvement sur la quasi-totalité de la journée et ramer 20 heures sur 24. Le bateau était donc seulement immobilisé entre minuit et quatre heures du matin, période sur laquelle il est à la dérive, et les efforts de fin de journée s’amenuisent. « Nous avons de suite assez naturellement su nous caler sur le rythme de chacun et être à l’écoute de l’autre pour nous relayer. Celui qui ne rame pas gère un certain nombre de tâches annexes : faire de l’eau douce, préparer à manger, quelques réparations… » explique Sophie.
Un effort soutenu, sur la durée, en plein Océan Indien, et coupés du monde. Au-delà de la performance, qui demande une endurance et une détermination hors du commun, c’est un voyage introspectif. Garder un lien avec le monde était une nécessité. Sophie a donc tenu un journal de bord. La plume et les pages humides ont laissé place au digital. Pourtant, pas question de se connecter pour poster et diffuser en direct sur les réseaux sociaux ou contacter leurs proches. Pour eux, restés sur la terre ferme et parfois en métropole, lire chaque jour le récit de leur épopée du jour est une bouffée d’oxygène après les avoir vu partir avec appréhension !



Leur seule fenêtre sur l’extérieur, c’est leur routeur, Michel Meulnet. Fort de nombreuses expériences sur des projets similaires, il guide les marins dans leur traversée, depuis chez lui à Lyon. Fanch et Sophie ont fait le choix de ne pas utiliser les téléphones satellites prévus à bord, et de réserver leur usage pour les urgences uniquement. Ils n’appelaient donc pas leurs proches, mais leurs messages interposés étaient transmis par Michel. Une formidable dose d’énergie et une bouffée d’émotion pure pour Fanch, qui fondait en larmes à chaque fois.
À distance, le rôle de Michel est essentiel : il est chargé de veiller à la trajectoire du couple. Il suit méthodiquement un marqueur GPS, toutes les six heures. Il obtient leur position et leur donne plusieurs coordonnées à suivre pour continuer. Il leur indique aussi les conditions pour la journée et les met en garde si nécessaire. Un système de navigation sommaire, mais une méthode qui a fait ses preuves. Finalement c’est un énorme jeu de pistes, un peu rustique, car le pilote automatique et le GPS ne sont pas reliés. « À la fin nous étions plus aguerris, mais la plupart du temps, il est vrai que l’on navigue un peu à vue » s’en amuse le couple.
Ils auront finalement parcouru les 3200 miles (6000 kilomètres) en 86 jours, 5 heures et 30 minutes. « Et ce sont bien les dernières 30 minutes qui seront les plus difficiles » nous avoue Sophie. « La tête est arrivée, mais le corps ne l’est pas et l’effort doit continuer. Alors on lutte, plus que jamais, contre soi-même. »


Un défi écologique et logistique
En choisissant la force humaine comme seul moyen de propulsion, les aventuriers ont réalisé un voyage à impact minimal sur l’environnement, sensibilisant ainsi à des modes de transport plus durables. C’est la grande qualité de ce bateau à rames : son autonomie totale. En conjuguant les énergies solaire et musculaire, Fanch et Sophie étaient totalement autonomes. Ils ont tâché d’être économes dans cette gestion énergétique, en allumant le plus tard possible le pilote automatique par exemple. Prévoyants, ils avaient prévu plus de nourriture que nécessaire, pour anticiper un trajet allongé selon les conditions. Et, puisque le défi méritait d’être relevé, ils n’ont consommé les portions lyophilisées que froides, pour ne pas prendre le risque de se blesser avec le réchaud et utiliser, là aussi une part d’énergie solaire. Une organisation millimétrée s’est rapidement mise en place à bord. Fanch se levait vers 4 heures et ramait durant trois heures sans pilote automatique, pour économiser sa charge. Sophie, à son réveil, préparait le petit déjeuner : « encore et toujours des pâtes froides ! » Dans la cabine, peu de confort également, puisque ni l’un ni l’autre, ne peut tenir debout. Pendant 3 mois, la toilette est sommaire, l’espace réduit. Il faut parfois aller dans l’eau pour retirer les algues et coquillages qui risquaient d’endommager la coque, voire de ralentir le bateau, ou pour de petites réparations. Avec, toujours, le « système débrouille » comme manuel, avec les moyens du bord. Avoir tout prévu en double, ou presque, a donc porté ses fruits !
Une vision scientifique et écoresponsable
Souhaitant renforcer l’aventure d’une vision écoresponsable et scientifique, ils ont effectué un relevé de la faune marine. Cette action est le fruit d’une collaboration avec deux entités associatives : ARBRE, basée à la Réunion et The Ocean Cleanup, pour laquelle ils ont fait un relevé exhaustif. A ce dernier titre, ils ont collaboré avec Margot Thibault, docteur en biologie marine, spécialiste des déchets plastiques dans l’océan Indien, qui les a beaucoup soutenus dans ce projet.
L’association ARBRE, Agence de Recherche pour la Biodiversité à La Réunion, a pour objet de contribuer à la veille, au suivi et à la mise en valeur de la biodiversité marine et terrestre à La Réunion et dans l’océan Indien. Pour cela, elle s’appuie sur des recherches scientifiques, permettant d’acquérir des connaissances dans le cadre de l’élaboration du schéma régional de cohérence écologique. Des actions de sensibilisation pour tous les âges sont également menées.
Avec huit millions de tonnes de déchets plastiques qui finissent chaque année dans les océans, les initiatives de nettoyage des océans se multiplient, car la dégradation menace les écosystèmes marins et côtiers, mais aussi les communautés dépendant des océans. D’autant que le plastique en mer provient principalement des détritus jetés à terre ou emportés par les cours d’eau.
Malheureusement, ils ont découvert énormément de plastique en mer, corroborant ainsi les analyses terrain déjà menées.
Mais Fanch et Sophie ont aussi croisé de nombreux pêcheurs à partir de Rodrigues. Puis, les bateaux ont laissé place aux cargos en pleine mer. Mais c’est surtout la faune qui les a marqués. Au cours de la traversée, ils ont croisé la route d’espèces variées ! Des requins, des baleines de Minke, des dauphins, un serpent de mer, des marlins beaucoup d’oiseaux (Puffins; Pértrels, Albatros), un groupe de poissons-pilotes sont même devenus leurs compagnons de voyage, protégés par la coque !
Sérénité face aux épreuves
Comme les conditions n’étaient pas idéales sur la traversée, en partie à cause du dérèglement climatique, Fanch et Sophie ont subi davantage les courants. Mais l’objectif était clair : « aller au bout du projet, ne pas le réaliser le plus vite possible ! » insiste Sophie. Avec parfois, des courants peu porteurs de faible intensité, lorsque le courant est de 1,5 noeud , en l’espace de 24 heures de rame, pas un seul mètre n’est franchi. Difficile pour le moral et pour les muscles endoloris. Mais la peur ne fait finalement pas partie du voyage, « d’abord parce que l’on ne partirait pas si nous étions inquiets pour notre sécurité ! Finalement, c’est comme un saut en parachute ! Un débutant est parfois inquiet, mais, une fois encadré, préparé, il n’a aucun doute sur sa sécurité. En réalité, il y a beaucoup de règles de sécurité à l’œuvre, derrière le saut en tandem. Nous avions choisi de nous engager dans ce projet, conscients des risques, mais, aussi, préparés. Une fois que l’on est dans l’effort, on a plus le temps d’avoir peur » explique Fanch. Et puis, ce sont davantage les proches qui s’inquiètent, à distance. A bord, il faut faire face, réparer, trouver des solutions, avancer, toujours.
Il y a tout de même eu quelques épisodes de frayeur au cours de la traversée, durant lesquels les conditions étaient particulièrement difficiles, allant jusqu’à 4,8 m de houle, et des vagues de 10m. À 1800 km de l’arrivée à la Réunion, une énorme vague a retourné le bateau. Un double tonneau qui a causé peu de dégâts sérieux, mais une grosse infiltration d’eau dans la cabine. Si les conditions étaient rudimentaires, elles étaient désormais humides pour parfaire le cadre 5 étoiles ! Mais surtout, le système électronique qui rend l’embarcation détectable pour les autres navires était endommagé, le VHF et AIS également. Un fil de cuivre, une brosse à dents et du scotch ont permis de relancer le système, garant de leur sécurité. Une rame cassée préalablement a permis de remettre en ordre de marche l’antenne de la radio.

«Sophie est extraordinaire. Elle sait prendre du recul dans les situations les plus anxiogènes et temporiser, là où je vais vouloir trouver une solution de suite et stresser » relate Fanch avec admiration pour sa compagne. Mais tous deux ont veillé sur l’autre, continuellement, en se relayant, dans un ballet de dépassement de soi à travers l’effort sportif.
De l’effort, de la joie et du sel
Côté douleur, à part les ampoules aux mains, les tendinites récurrentes et les raideurs, pas de gros bobos à déclarer ! Ils ont perdu entre 10 et 15 kilos chacun, qu’ils avaient anticipés en prenant du poids avant le départ. Fanch étant médecin et Sophie infirmière, le volet santé était bien anticipé lui aussi. Outre la trousse de secours, c’est surtout la capacité à savoir poser un diagnostic et, donc, pouvoir écarter les risques qui est prégnante. Ils étaient tout de même partis avec du fil, des plâtres… mais heureusement, ils n’ont eu besoin de rien de tout ça ! Seulement une grosse fatigue à l’arrivée, qui s’explique également par le manque de vitamines apporté par la nutrition, et par les variations du cycle hormonal de Sophie.
Pour l’anecdote, nous avons réalisé cette interview une semaine après leur retour, et tous deux étaient encore parfois réveillés en sursaut. Fanch avoue avoir longtemps cherché le GPS au milieu de la nuit, traumatisé par les nuits mouvementées en mer.
Malgré ces quelques désagréments, ils naviguèrent comme seuls naviguent les passionnés que rien ne peut arrêter, pas même les courants déchainés parfois, le sel omniprésent, et l’effort constant. Parce que le fantasme est un moteur puissant, sans doute, mais aussi porté par la confiance mutuelle et la joie immense de réaliser un rêve à deux.
Faire cap, ensemble, vers la suite
La complémentarité est donc l’une des clefs de la réussite de cette extraordinaire traversée ; l’une de leurs plus belles ressources. Ils se connaissent très bien et peuvent anticiper les réactions de l’autre, communiquer beaucoup. Il n’y a pas de hasard à retrouver le symbole de l’infini dans les plus forts nœuds marins. Avec la confiance comme socle, le couple est ressorti de cette épreuve plus fort que jamais. Arrivés à 16 miles, soit 25 km des côtes réunionnaises, Fanch et Sophie se font plus impatients que jamais. Voilà 88 jours qu’ils n’ont pas posés pied sur terre ! Il faut chercher en soi pour trouver la force de poursuivre et rejoindre, enfin, la côte. Ils racontent, émerveillés par l’accueil qui leur a été réservé : « Nous avons reçu un accueil exceptionnel, sommes arrivés un lundi et nous n’aurions jamais pensé être accueillis par autant de monde. Nous avons été immensément touchés par les nombreuses personnes qui avaient fait le déplacement. Une image exceptionnelle nous reste en tête, avec des voiliers, des pirogues, des kayaks qui nous ont rejoints en mer pour les derniers miles ! Des classes entières d’enfants étaient là, le département d’oncopédiatrie qui les soutenait était présent, des chiens avaient été peints avec nos prénoms… Nous avions l’impression que toute l’île nous attendait ; c’était comme être au cœur d’une fête de la mer ! »
Pas de prochaine aventure de prévue si ce n’est continuer et reprendre la routine puisqu’ils ont chacun mis en pause leur vie professionnelle pour se consacrer à cette aventure. Toutefois, aucune aventure ne sera du niveau de celle-ci. C’est le projet d’une vie en termes de temps, d’implication, d’effort et de durée ! « Nous voulions un projet à taille humaine, nous ne sommes pas des professionnels de l’aventure, c’est un projet autofinancé. Notre message ultime, c’était de prouver que c’était possible ! »
NB : Un film documentaire retraçant leur aventure sera diffusé dans l’année, à retrouver sur leur page Facebook L’indien à la rame !



